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  • Le forçage vocal est un comportement vocal adopté pour faire face à une situation ponctuelle ou durable, provoquant des conséquences pathologiques pour la voix. Lorsqu’il devient chronique, on parle de « cercle vicieux du forçage vocal ». Il peut alors être à l’origine d’une dysphonie, avec ou sans développement de lésions sur les CV (dysphonie dysfonctionnelle simple ou compliquée).

    Le forçage vocal ponctuel : un malmenage et/ou un surmenage vocal occasionnel
    Dans certaines conditions d’utilisation vocale, la voix doit être produite non seulement à forte intensité, mais également de manière prolongée et avec une intention d’agir sur ceux à qui la parole est destinée.
    Dans son métier l’enseignant, comme beaucoup de professionnels de la voix, doit utiliser ponctuellement « la voix projetée », définie en 1913 par P. Bonnier dans son ouvrage « La voix professionnelle ».
    Il s’agit pour lui de parler devant un public, d’informer, d’interroger, d’appeler, de donner des ordres, parfois de se fâcher... Le tout dans un milieu bruyant et de manière répétée durant plusieurs heures.

    L’énergie nécessaire pour atteindre ces objectifs est très différente de celle dépensée pour la voix conversationnelle, dans les échanges entre 2 ou 3 personnes. Le geste vocal mis en œuvre est lui aussi obligatoirement différent : il ne s’agit pas seulement d’augmenter l’intensité de la voix. C’est le corps dans son entier, par sa posture, sa tonicité, sa respiration, qui doit s’impliquer dans cet acte vocal particulier.

    Lorsque dans la communication en milieu difficile, l’acte vocal est inefficace, le comportement psychomoteur se modifie de manière inconsciente. A la place des adaptations physiques et mentales retrouvées dans la voix projetée, apparaît le comportement de la voix d’insistance ou de détresse, décrit depuis les années 80 par F. Le Huche.

    Dans cette situation, la voix est produite dans un geste psychomoteur particulier :
    - Tension musculaire et psychique
    - Modification de la posture (perte de la verticalité avec accentuation de la flexion du
    tronc et projection du menton vers l’avant)
    - Contrôle difficile de l’expiration phonatoire et de la pression sous glottique
    - Comportement musculaire hypertonique du larynx
    Utilisé ponctuellement, ce geste vocal fait partie de l’ensemble des possibilités à notre disposition pour obtenir un effet sur notre entourage.
    Le problème est sa propension à devenir le geste habituel dès que la voix doit être utilisée à forte intensité ou avec conviction.

    Le forçage vocal chronique (FVC) : un malmenage vocal auto-entretenu
    A côté des moments où la voix doit être utilisée ponctuellement avec une forte intensité, la personne utilisant quotidiennement sa voix de manière professionnelle a spontanément tendance à mettre en place un geste vocal n’utilisant pas les différents organes phonatoires de manière adaptée et/ou équilibrée. Sans formation vocale préalable à l’utilisation importante de la voix, le professionnel va utiliser son larynx comme modulateur non seulement de la hauteur, mais également de l’intensité.

    Le larynx va devoir assumer 2 fonctions physiologiquement contradictoires. Les CV, pour vibrer de manière optimale, devraient être le plus relâchées possible. Mais, pour augmenter l’intensité du son, les CV vont être accolées très fortement, grâce aux forces adductrices (muscles laryngés adducteurs intrinsèques, bandes ventriculaires, muscles sus et soushyoïdiens). Progressivement, le rôle de fermeture du larynx devient prépondérant, persistant pendant le cycle vibratoire qui ne peut plus se dérouler de manière optimale en raison des modifications des forces en présence.
    Dans un premier temps, le résultat vocal est satisfaisant, notamment sur le plan de l’intensité. L’amélioration du rendement vocal conforte la personne qui, ayant trouvé une solution à ses difficultés vocales, va mémoriser ce geste et l’utiliser de manière habituelle. Cependant, les modifications physiologiques du cycle vibratoire altèrent progressivement les qualités vocales, conduisant à augmenter les forces d’adduction pour tenter de retrouver le même rendement vocal. Les bords libres des CV se trouvent comprimés l’un contre l’autre au démarrage de la phonation d’abord (attaques « dures »), puis pendant la phase de fermeture du cycle vibratoire.

    Les microtraumatismes liés à cette activité adductrice permanente aboutissent à des lésions de la muqueuse des CV, participant à gêner le déroulement du cycle vibratoire et à baisser le rendement vocal. Ainsi se fait l’entrée dans le « cercle vicieux du forçage vocal », où, moins la voix est bonne, plus on force, et plus on force, moins la voix est bonne.

  • La fatigue, en tant que phénomène physiologique, psychologique et pathologique, a été largement étudiée. La fatigue vocale quant à elle, ne fait pas l’objet d’un consensus, tant sur le plan de sa définition que sur les moyens de son étude.
    Pourtant, en pratique clinique, elle est l’un des symptômes les plus souvent rapportés par les patients présentant des plaintes concernant leur voix, notamment lorsqu’ils l’utilisent de manière professionnelle.

    Il n’existe pas de définition universellement admise de la fatigue vocale. Différents auteurs ont proposé leur définition, souvent teintée par leur spécificité dans le monde de la recherche scientifique concernant la voix.
    En effet, la fatigue vocale est un phénomène clinique complexe aux multiples facettes.

    La fatigue pouvant être définie comme « l'incapacité de poursuivre une tâche à un niveau prédéterminé », la fatigue vocale pourrait être « le moment où les performances vocales deviennent inférieures au projet initial ». Le problème de cette définition est lié aux difficultés de déterminer un ou des paramètres vocaux qui se modifieraient systématiquement dans ces conditions. Jusqu’à présent, aucun élément objectif n’a pu être retrouvé de manière systématique. Les résultats des analyses laryngoscopiques sont intéressants en clinique, mais ne sont pas suffisamment spécifiques ou fiables pour être considérés comme des marqueurs de fatigue vocale.

    Certains chercheurs proposent ainsi de définir la fatigue vocale comme « une augmentation progressive de l'effort phonatoire accompagnée d'une diminution progressive des capacités phonatoires». L’intérêt de cette définition est qu’elle sous-tend des mécanismes neurophysiologiques, à la fois aux niveaux périphérique et central, et des mécanismes biomécaniques à l’origine de la fatigue vocale. Pour certains auteurs, la fatigue vocale est une « adaptation vocale négative qui se produit à la suite d'une utilisation prolongée de la voix ». Cette définition désigne la fatigue vocale comme un phénomène perceptif, acoustique ou physiologique, indiquant des modifications indésirables ou imprévues dans la manière de produire la voix.
    Ainsi, actuellement, à défaut de critères objectivables consensuels, la fatigue vocale se mesure par l'auto-évaluation des symptômes liés à l'effort lors de la phonation prolongée, qu'il y ait ou non des modifications observables ou mesurables de la voix.
    La fatigue vocale se caractérise par des perceptions désagréables survenant au cours de l’activité vocale :
    - Augmentation de l'effort vocal et de l'inconfort
    - Réduction de la gamme de hauteur et de la flexibilité vocale - Réduction de la projection ou de la puissance de la voix
    - Réduction du contrôle de la qualité de la voix
    - Augmentation des symptômes tout au long de la journée
    - Amélioration après le repos

    D’origines diverses, la fatigue vocale peut s’installer suite à un malmenage (altération qualitative du geste vocal) ou à un surmenage (usage vocal prolongé). Elle peut également survenir dans le cadre d’un état de fatigue générale ou psychologique, dépendre de facteurs individuels (genre, génétique, technique vocale), et de facteurs extrinsèques (activités socio- professionnelles, environnement...).

  • Respecter un repos vocal consiste à réduire ou à éviter l’utilisation de la voix sous toutes ses formes (parlée et chantée), le plus souvent dans les suites d’un épisode d’utilisation intense ou d’un épisode traumatisant, afin de permettre la récupération des capacités vocales.

    Compte tenu du manque de données scientifiques et de la diversité des pratiques sur le sujet, il n’est pas toujours facile de donner des indications claires aux patients, souvent réticents à l’idée de ne pas pouvoir utiliser leur voix pendant une durée prolongée. Il est donc important de lui transmettre les notions qui permettent de comprendre l’intérêt du repos vocal et de l’organiser de manière pratique.

    Les différents types de repos vocal
    Le repos vocal absolu
    De manière générale, le repos est défini comme l’absence de mouvement, l’arrêt d’une activité, ou encore à une pause dans l’activité. Le repos vocal correspond à l’arrêt des mouvements et des vibrations des CV, donc à l’absence de phonation. Ces injonctions correspondent en fait au repos vocal absolu ou strict.
    Ainsi, le repos total, absolu ou strict, consiste à ne produire aucun son (voix parlée, voix chantée, toux, hemmage) afin d’éviter tout stress mécanique au niveau de la muqueuse des CV.

    Le repos vocal relatif
    Également appelé repos partiel, le repos vocal relatif consiste à réduire l’utilisation vocale au maximum, notamment en interdisant sa production dans des conditions difficiles (voix projetée et prolongée, téléphone, milieu bruyant...). Par contre, la réalisation d’exercices vocaux dans le cadre d’une prise en charge orthophonique est possible.

    Le repos vocal alternatif
    Cette forme de repos, originale, a été décrite suite aux travaux portant sur la charge vocale et tient compte du fait qu’un usage vocal sans risque nécessite des périodes de repos régulières afin de permettre la récupération neuromusculaire, biomécanique et centrale. Il consiste donc, en pratique, en l’alternance de périodes d’usage vocal et de périodes de silence.

Les mises au point de la Bulle 3 (extraits)